Sujet d'actualité chez les tout petits qui sont mis devant des écrans bien trop tôt
Une étude récente, publiée dans Frontiers in Psychology , a examiné l'impact de l'utilisation passive des écrans sur le développement cognitif de l’enfant les 3 premières années de sa vie en passant en revue la littérature scientifique de ces 20 dernières années. Il en résulte que regarder un contenu sur écrant - téléviseur ou écran tactile d'un appareil mobile - peut être bénéfique pour le développement cognitif de l’enfant même très jeune, s’il se déroule dans un contexte d’interactions avec l’adulte et que le contenu et le temps de visionnage est adapté à l’âge de l’enfant.
Une exposition aux écrans de télévision dès 4 mois
Depuis une trentaine d’années, le nombre d'émissions de télévision ciblant les nourrissons a augmenté, ce qui fait que les nourrissons passent davantage de temps devant des écrans rappellent les chercheurs en introduction. Une étude de 2009 rapporte que l'âge moyen de la première exposition à la télévision est de 4 mois. Une autre étude a montré qu'entre 1997 et 2014, le temps d'écran a doublé chez les enfants âgés de 0 à 2 ans. Une grande étude récente menée auprès d'une population française montre que 84 % des tout-petits de 2 ans regardent la télévision au moins une fois par semaine, et 68 % tous les jours. Le temps moyen d'exposition à la télévision pour les nourrissons de 2 à 24 mois est de 40 min par jour et seulement la moitié des programmes sont des programmes éducatifs, selon les parents. De plus, dans une cohorte d'enfants âgés de 6 à 18 mois, les jeunes enfants étaient plus exposés aux programmes pour adultes que les plus âgés. Cela suggère que les nourrissons sont exposés à la fois à la télévision destinée aux nourrissons et aux adultes. Selon un sondage IPSOS-UNAF récent, 43% des enfants âgés de 0 à 2 ans utilisent déjà Internet.
Une utilisation des écrans interactifs très tôt
Pour ce qui concerne les écrans tactiles, une récente enquête française montre qu'environ 30 % des nourrissons de 5 mois utilisent des écrans tactiles et ce pourcentage passe à 90 % à 2 ans Une autre grande enquête française récente a montré des résultats similaires avec 21% à 28% des enfants de 2 ans jouant avec une tablette tactile, un ordinateur ou un smartphone au moins une fois par semaine et 10% à 12% des tout-petits le faisant quotidiennement. Ces résultats suggèrent que tout comme l'exposition à la télévision, l'utilisation des écrans interactifs est présente très tôt dans le développement et représente un temps significatif dans les activités quotidiennes de certains nourrissons.
Des recommandations
De nombreuses études ont suivi, les décennies suivantes insistant sur la nocivité de l’exposition aux écrans chez les enfants de moins de 3 en particulier sur le développement du langage. Cette exposition précoce aux écrans a entrainé des recommandations de l'American Académy of Pediatrics (AAP) dès 1999 qui préconise de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans (Académie américaine de pédiatrie, 1999). L’OMS a elle aussi émis les mêmes recommandations. En France les autorités de santé et pédiatriques recommandant de ne pas exposer les enfants aux écrans avant 3 ans et d’adapter contenu et le temps d’écran en fonction de l’âge de l’enfant (3- 6 ans et plus de 6 ans).
Des motivations différentes
Les chercheurs rapportent la motivation des parents pour exposer leurs enfants aux écrans : pour 21% les écrans servent de nounou, pour 23% les écrans seraient des programmes divertissants pour les nourrissons, pour 23% un moyen de détente et pour 29%, un outil pédagogique (29%).
Un retentissement sur le développement de l’enfant
Dans cette nouvelle étude les scientifiques ont essayé de comprendre quel type d'exposition aux écrans était néfaste pour le développement cognitif et si selon le contexte regarder un écran pouvait être bénéfique pour l'apprentissage des jeunes enfants de moins de 3 ans. L 'apprentissage à partir d'écrans chez les nourrissons semble être négligeable sans l'accompagnement des parents ou des adultes, principalement en raison des difficultés à traiter la parole sur vidéo.
• Sur le langage
2 heures par jour passés à regarder la télévision entre 15 et 48 mois multiplient par quatre la probabilité d'un retard de développement du langage. Ce chiffre est multiplié par six lorsque les enfants commencent à regarder la télévision avant 12 mois.
• Sur les performances cognitives
Le temps passé à regarder la télévision seul avant l'âge de 3 ans est associé à des niveaux de syntaxe plus faibles à 3 et 4 ans et les enfants de 6 mois exposés à la télévision en moyenne 2 h par jour ont de moins bonnes performances cognitives et des niveaux de langage plus faibles à 14 mois que les enfants non exposés.
• Sur la maitrise du vocabulaire
Chez les enfants âgés de 8 à 16 mois, chaque heure par jour de visionnage de DVD/vidéos destinés aux nourrissons est associée à une diminution des scores de vocabulaire.
L'importance du contexte de l’exposition aux écrans de télévision
Les auteurs recommandent de renforcer les contextes qui favorisent l'apprentissage, tels que la visualisation de contenu adapté à l'âge choisi, la visualisation sous la surveillance d'un adulte et l'absence d'un deuxième appareil ou d'un écran de télévision en arrière-plan.
• Contenu adapté à l'âge de l'enfant
Le contenu des vidéos est essentiel. Les programmes pour adultes produisent des effets négatifs sur le développement de la cognition avant l'âge de 3 ans, tandis que les programmes destinés aux enfants sont associés à un effet positif ou à aucun effet.
• Interactivité avec les adultes
C’est un facteur clé qui peut aider à améliorer la compréhension du contenu et renforcer son apprentissage lors de contenus éducatifs. Un parent qui commente le contenu des programmes télévisés a un effet positif sur l'attention de l'enfant
• Absence d'un deuxième appareil ou d'un écran de télévision en arrière-plan.
Les conséquences d'une exposition précoce à la télévision en arrière-plan sont doubles. D'une part, la quantité et la qualité des interactions parent-enfant sont affectées - les parents parlent moins aux enfants de 12 et 24 mois -, d'autre part, les enfants sont distraits de leur activité en cours et de l'apprentissage.
Les auteurs concluent en disant que ce n'est pas le fait de regarder des écrans en soi qui détermine les effets sur le développement, mais plutôt le contexte de visionnage. Regarder un écran dans le mauvais contexte nuit principalement au développement du langage, à la préparation à l'école, aux fonctions exécutives, aux capacités d'attention et aux interactions parent-enfant. Ils soulignent qu’il est impératif d'informer les professionnels de la petite enfance qui s’occupent d’enfant de moins de 3 ans des risques associés à une exposition prolongée au visionnage d'écrans dans le mauvais contexte et de renforcer plutôt les contextes qui favorisent l'apprentissage, tels que le visionnage de contenus adaptés à l'âge choisi et le visionnage sous la supervision d'un adulte.
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